PETIT GUIDE HISTORIQUE & CULTUREL DE COMPIÈGNE
Armistice | Économie | Marchés | Parc du Château | Saint-Antoine
D’une naissance obscure, sans doute à proximité d’un raccourci entre deux voies romaines (dit compendium, à l’origine du nom de la ville), Compiègne est entrée dans l’histoire comme résidence royale – le roi Clotaire y meurt en 561. Elle a même failli devenir la capitale de l’empire d’Occident, sous le nom de Carlopolis que lui destinait l’empereur Charles le Chauve. Assemblées religieuses ou politiques, ambassades, négociations, tournois et fêtes diverses, camps militaires, visites illustres s’y succèdent. La ville gagne ses armoiries après la bataille de Bouvines, et justifie sa devise, Regi et Regno fidelissima, lors des guerres de religion : c’est le refuge de la royauté. Entre forêt et rivière, cette petite ville de l’Ile-de-France picarde, en lisière du Valois, où s’inscrivent les heurs et malheurs de la France, a longtemps vécu de sa fonction résidentielle. Compiègne a connu une relative prospérité sous Saint Louis, puis sous Louis XV, qui a considérablement marqué son urbanisme, et enfin avec le Second Empire. Cette fonction résidentielle va être en partie compromise par les deux guerres mondiales qui éprouvent durement la ville. Ayant fait le choix industriel et bénéficiant d’un technopôle universitaire, Compiègne est devenue une ville-centre rayonnant au sein de la région picarde.
Notices de François Callais (1928 – 2014), publiées en 1994.
Deux notices ont été rédigées par Philippe Marini, maire de Compiègne, sénateur de l’Oise : Économie et Modernité.
Photographies de Jean-Pierre Gilson
ARMISTICE
C’est sur le territoire de Compiègne, et non pas de Rethondes, que le maréchal Foch dicta aux Allemands vaincus l’armistice du 11 novembre 1918, respectant la dignité des vaincus à l’abri de la forêt. La clairière fut aménagée pour la célébration du 11 novembre 1922, en même temps que l’on inaugurait la fameuse dalle à l’inscription vengeresse et le monument des Alsaciens-Lorrains. Le wagon de Foch et la statue du maréchal les rejoignirent ensuite. Hitler imposa, le 21 juin 1940, veille de l’armistice, une humiliante parodie de l’armistice de la Grande Guerre, puis fit dévaster la clairière, ne laissant en place que la statue de Foch. Tout a été reconstitué depuis, et l’on a ajouté un petit musée où sont exposés divers souvenirs, documents, armes et fanions. Quelques reliques du vrai wagon de l’armistice s’y trouvent, après avoir été récemment découvertes en Thuringe.
AVENUES
Tracées en 1750 par Godot, sur le plan de Gabriel, elles relient le château et la forêt. Elles sont bordées de quatre rangées d’arbres de haute tige, masquant une architecture trop souvent disparate. C’est l’avenue Royale qui a le mieux gardé sa noblesse, entre le parc et l’avenue Thiers et ses hôtels particuliers du Second Empire. L’ancienne église anglicane Saint-André, construite en 1868, rappelle l’importance de la colonie britannique, au moins jusqu’en 1914. Le château des Avenues, construit par le comte de l’Aigle en 1855, servit de modèle à plusieurs autres grandes demeures en lisière de la forêt.
CARMEL
Fondé en 1640, par tirage au Sort, le couvent fut construit à l’emplacement actuel du théâtre impérial et de la caserne voisine. Cette communauté fut très proche de la famille royale. Expulsées sous la Révolution, les religieuses se regroupèrent autour de Saint-Antoine et s’offrirent en holocauste « pour que la paix fût rendue à l’Église et à l’État ». Seize d’entre elles furent condamnées par le Tribunal révolutionnaire le 17 juillet 1794, et guillotinées le jour même sur la place du Trône ; elles sont reconnues bienheureuses. Ce drame inspira une nouvelle de Gertrud von Le Fort, une pièce de Bernanos, un film du père Bruck-berger et un opéra de Poulenc. Après un essai infructueux sous Louis-Philippe, le Carmel fut rétabli en 1866 au faubourg Saint-Lazare, puis transporté en 1992 à Jonquières, un village voisin.
CHAMPLIEU
Ce site antique, dont on soupçonnait l’existence depuis longtemps, ne fut découvert que sous Louis-Philippe par le châtelain de la Motte, Edmond de Seroux, puis dégagé sous le Second Empire. Cet habitat du peuple gaulois Suession était sans doute le point de départ du raccourci, ou compendium, menant au gué de Venette. L’ensemble monumental semble avoir été préservé par la forêt. On a retrouvé un édifice cultuel celtique, mais le sanctuaire a connu son apogée au IIe siècle après J.-C. ; c’est alors que l’on construisit le théâtre et les thermes, ainsi qu’un nouveau temple plus important que les précédents. L’église Notre-Dame fait partie du site de Champlieu.
CHÂTEAU ACTUEL
Bien que Compiègne fût la résidence la plus constamment habitée par nos souverains, du Ve au XIXe siècle, le château actuel fut le dernier qu’ils construisirent. Le palais mérovingien se trouvait peut-être vers Saint-Germain, et le palais carolingien entre la Cour-le-Roi et la place de l’Hôtel-de- Ville. Le château capétien, longtemps proche de la Grosse Tour, finit par s’établir à Royallieu. Charles V installa son Louvre intra-muros, à l’emplacement actuel, et les bâtiments s’entassèrent jusqu’à Louis XIV.
Adopté par Louis XV en 1751, le grand projet de Gabriel fut mené à bien en 1788, et aboutit à une reconstruction quasi-totale tenant compte, par son plan triangulaire et l’élévation différente des façades sur le parc et sur la ville, des irrégularités du terrain. Cependant, la place d’Armes n’a pas reçu son cadre de colonnades initial, et reste médiocre. Pendant la Révolution, on vendit le mobilier et on démolit l’Ermitage de Mme de Pompadour, avec la salle de spectacle voisine.
La sobre élégance des façades était en harmonie avec celle du décor intérieur voulu par Louis XV et Louis XVI. Napoléon Ier va donner à une grande partie des appartements une ornementation beaucoup plus somptueuse. La tenture des Chasses de Louis XV, d’après les cartons de J.B. Oudry, les portraits de chiens du même Oudry et de Desportes, le cartes de la forêt de Martin le jeune, témoignent du caractère cynégétique de cette résidence. On peut y comparer les peintures de Natoire (cartons de tapisserie) et de Coypel, sur le thème de Don Quichotte. Marie-Antoinette y fut accueillie par Louis XV et le dauphin qu’elle allait épouser ; sa petite-nièce, Marie- Louise, y fut livrée à Napoléon. Les noces de Louise, fille de Louis-Philippe, avec le premier roi des Belges, y furent célébrées. Eugénie de Montijo sut y séduire le futur Napoléon III.
Les derniers fastes du château furent les « Séries de Compiègne », regroupant les élites ralliées au régime. Les musées du Second Empire et de l’Impératrice évoquent aussi bien l’atmosphère de fête que l’intimité de la famille impériale ; Carpeaux, Thomas Couture, Winterhalter, y sont à l’honneur.
CHEVAL
Cet animal est lié à la forêt, aux chasses et aux promenades, mais aussi au sport et au jeu, ainsi qu’à l’élevage. Le haras s’est installé en 1875 dans les anciennes Grandes Écuries, construites de 1739 à 1750. Compiègne avait, au XVIIIe siècle, plusieurs écuries royales et princières, dont il ne reste que des vestiges : les Petites Écuries, rue Vivenel, et les Écuries de la Reine, rue de l’Arquebuse. Dans le Grand Parc se sont établis successivement l’hippodrome, en 1888 – il offre a moins seize courses, de trot, de plat et d’obstacle, par an -, et le centre régional des sports équestres, en 1992. Chaque année s’y déroule un concours international d’attelage, ainsi qu’un concours complet international.
ÉCONOMIE
Jusqu’à la dernière guerre, Compiègne était une ville bourgeoise, une ville de garnison, marché rural vivant en relation étroite avec son terroir. L’industrie se résumait à deux établissements et se concentrait plus en amont de la vallée de l’Oise. Depuis la fin des années cinquante, du fait de l’exode rural et de la croissance économique, les zones d’activités se sont succédé du nord au sud de l’agglomération. Aujourd’hui, le bassin d’emploi du Compiégnois comporte un nombre d’emplois industriels et tertiaires supérieur au chiffre de la population active. Toutes les branches sont représentées ou presque, de la parfumerie à la plasturgie, de l’agro-alimentaire à la chimie de spécialité, de la métallurgie aux biotechnologies.
Autour de l’université, qui a été le vecteur promotionnel le plus efficace de la ville, sont nées de nombreuses entreprises à forte valeur ajoutée, destinées, pour celles qui réussissent, à passer de la pépinière au parc scientifique. En parcourant la piste cyclable qui joint le centre-ville à la passerelle de Jaux, le promeneur assiste aux étapes de ce développement. Mais celles-ci, entre Oise et forêt, s’intègrent au paysage et respectent aussi bien les berges de la rivière que l’harmonie des quartiers. Le visiteur qui vient de Paris entre, dès qu’il a quitté l’autoroute, dans une vallée à la fois souriante et laborieuse, et voit les investissements se multiplier et le paysage se transformer. Mais l’entrée de la ville ne comporte ni banlieue, ni publicité tapageuse, ni entrepôts chaotiques. C’est insensiblement que la campagne se fond dans la ville.
Philippe Marini
ÉTANGS SAINT-PIERRE
Ces étangs ont été creusés par les célestins du mont Saint-Pierre, de même que l’étang voisin de l’Étot, afin de fournir la communauté en poisson. Le ru de Berne les alimente, avant de traverser le village de Vieux-Moulin, dont le clocher se profile sur les arbres du mont Saint-Mard, puis le hameau du Vivier Frère-Robert. Le pavillon, entre les deux étangs principaux, fut construit par Viollet-le-Duc pour l’impératrice, sur cette route Eugénie qui mène de Compiègne à Pierrefonds.
FORÊT
La forêt domaniale de Compiègne s’étend sur 14 485 hectares, prolongée par endroits de bois privés ; elle forme en fait un seul massif avec les forêts de Laigue (3 827 hectares) et d’Ourscamp (1 565 hectares). Elle est aussi toute proche de la forêt de Retz (13 339 hectares). Grâce à la protection royale, cette antique forêt de Cuise est restée à peu près intacte. Deux lignes de monts couronnés de roches calcaires encadrent une vaste étendue plate, argileuse ou sablonneuse. Un chevelu de ruisseaux draine le massif, et les sources sont nombreuses. Hêtres et chênes forment de loin la majeure partie de la surface boisée. La série des Beaux-Monts, avec son sous-bois de houx, est protégée, ainsi que des arbres remarquables par leur ancienneté ou leur port ; le vieux chêne de Saint-Jean aurait au moins huit cents ans. Une « réserve biologique » s’y renouvelle naturellement. Il y a deux cent-soixante-treize carrefours baptisés en Compiègne et cinquante-sept en Laigue, avec d’élégants poteaux indiquant les différentes voies. Une trentaine de maisons, habitées ou non, offrent souvent au regard des bâtiments remarquables, certaines portent des noms évocateurs, tels La Faisanderie, La Muette, Le Hourvari…
GARNISON
Jusqu’à Louis XIV, la ville fut proche de la frontière de la Somme, elle resta ensuite ville d’étape. De Louis XIV à Louis-Philippe, des camps servirent à l’instruction des troupes, le plus célèbre étant celui de 1698, décrit par Saint-Simon, Le quartier d’Orléans, au fronton sculpté sous Louis-Philippe, s’établit dans l’ancien jardin des carmélites. Les dragons, avant 1914, les spahis, avant 1939, y ont laissé un souvenir coloré. La ville conserve l’école d’État-major, la Direction centrale du Service national, et deux régiments.
GROSSE TOUR DU ROI
Construit sans doute au XII » siècle, peut-être sur des bases carolingiennes, ce donjon royal marque l’emplacement du château capétien. Son territoire fut si réduit par les dons successifs de Saint Louis et de Philippe le Bel qu’il fut abandonné au profit de Royallieu. Guillaume de Flavy, capitaine de la ville, put observer depuis son sommet la fâcheuse sortie de Jeanne d’Arc. Le siège de 1430 amorça son déclin, et il s’écroula en partie en 1868. Le buste du maire Fournier-Sarlovèze est l’œuvre de Maxime Réal del Sarte, également auteur du monument aux morts de la place Saint-Jacques.
GUYNEMER
Héros de l’aviation tombé « en plein ciel de gloire ». Georges Marie Guynemer naquit à Paris. Je 24 décembre 1894. Après 53 victoires remportées dans l’escadrille des Cigognes, il fut abattu dans un combat au-dessus des Flandres, le II septembre 1917. Sa famille était installée à Compiègne depuis 1903, et son père était un érudit passionné d’histoire locale. Le jeune Georges fréquenta quelque temps le collège puis l’institution Pierre d’Ailly. La maison familiale se trouve au numéro 112 de la rue Saint-Lazare. Le monument à la mémoire du héros, sculpté par Navarre, est à l’entrée de cette même rue, contre le haras.
HÔTEL DE VILLE
Les « gouverneurs attournés » de Compiègne siégèrent à partir de 1367 à l’emplacement du bâtiment actuel élevé sous le règne de Louis XII (1498 – 1515) dont la statue équestre se trouve dans la niche centrale. Au sommet du beffroi, les trois « picantins », dénommés Langlois (l’Anglais), Lansquenet (l’Allemand) et Flandrin (le Flamand) sonnent les heures. Contrastant avec la façade si vivante du bâtiment central, entièrement restaurée après la Révolution – qui anéantit aussi ses richesses intérieures – les deux pavillons latéraux, très froids, datent du Second Empire. A droite, la porte de l’Arsenal, œuvre de Philibert Delorme, très restaurée aussi, conduit à l’ancienne prison construite sous Louis XVI par Jacques Cellerier. L’ancien hôtel de la Cloche et de la Bouteille, où Alexandre Dumas situe l’épisode final du Comte de Monte-Cristo, abrite le musée de la Figurine historique, avec environ cent mille personnages regroupés en scènes vivantes. Les peintures de la salle du conseil racontent les grandes heures de la ville. La salle d’honneur conserve une partie de la collection Vivenel.
HÔTEL-DIEU | SAINT-NICOLAS-AU-PONT
D’origine très ancienne, il fut reconstruit par Saint Louis qui y transporta le premier malade dans un drap de soie. Il était tenu par des religieuses augustines, puis par des sœurs de charité, avant d’être désaffecté et réuni à l’hôpital général en 1894. Les bâtiments médiévaux ont subi transformations intérieures comme extérieures. Dans la salle capitulaire et la chapelle, le décor de boiseries et de peintures, fin XVIe et début XVIIe, a été restauré. Un retable en bois de chêne, dû à la munificence de Marie de Médicis et de la famille Legras, est un chef‑d’œuvre de sculpture baroque, avec au centre une peinture de Nicolas Chaperon.
HÔTELS MINISTÉRIELS ET PRINCIERS
Comme à Versailles et à fontainebleau, le gouvernement suivait le roi à Compiègne. Des divers hôtels ministériels et princiers, quelques-uns seulement ont survécu à la tourmente révolutionnaire, parmi lesquels l’hôtel Condé, dit aussi du Grand Maître de France, au 30 rue d’Austerlitz, et la Surintendance des Bâtiments du Roi, au 9 rue des Domeliers. Leur décor intérieur a disparu. L’hôtel Condé, entre cour et jardin, est du XVIIe siècle ; on y trouvait, un curieux bas-relief représentant le labyrinthe et la chute d’Icare, maintenant conservé au musée Vivenel. La Surintendance s’établit en 1747, les bureaux du marquis de Marigny, puis du comte d’Angiviller, s’y installèrent jusqu’à la Révolution. Sous l’Empire, il fut appelé hôtel des Relations extérieures. Devenu propriété particulière, il ne conserve qu’un seul immeuble sur la rue, Le décor théâtral des jardins fut créé, vers 1922, par Ferdinand Bac, petit-neveu de Napoléon 1er.
JEANNE D’ARC
Compiègne Fut prise et reprise huit fois, entre 1413 et 1429. Le 18 août 1429, la Pucelle entrait clans la ville, aux côtés de Charles VII, qu’elle venait de faire sacrer à Reims ; elle y demeura jusqu’au 23 août. Le 13 mai 1430, elle ne fit que passer en tentant d’empêcher le siège de la ville par les Anglo-Bourguignons. Revenue au secours de « ses bons amis de Compiègne » le 23 mai au petit matin, Jeanne tenta une sortie vers Margny dans l’après-midi. Surprise par les renforts ennemis, elle fut capturée dans les fossés de la tête de pont fortifiée, sur la rive picarde, et donc dans le diocèse de Beauvais. Des fêtes sont célébrées en son honneur depuis 1865, et deux statues lui ont été érigées, l’une pédestre en 1880 et l’autre équestre en 1960.
MARCHÉS
Du XIe au XVe siècle, la foire du Mi-Carême fit la prospérité de la ville, et les noms de la place du Change et de la rue des Lombards rappellent son importance. C’est là que se dresse le portail du grenier à sel, construit en 1784 par Claude Nicolas Ledoux, l’architecte de la Saline d’Arc-et-Senans. La place du Marché aux Herbes, ancienne Cour le Roi, reste le centre de l’activité commerciale traditionnelle. Les arcades du Petit Lendit, situées à proximité de la place Saint-Clément, semblent être un vestige d’anciennes halles du XIIIe siècle. L’importante collégiale Saint-Clément, fondée par Charles le Simple, fut détruite sous la Révolution. Son doyen habita l’hôtel de la Huchette, construit en brique et en pierre au début du XVIe siècle.
MODERNITÉ
Compiègne est une synthèse qui intègre un vieux centre-ville groupé autour de ses édifices historiques et des quartiers modernes, conçus et réalisés depuis le début de la Ve République. Meurtri par la guerre, le centre a connu une reconstruction respectueuse des proportions classiques. On continue d’y bâtir, avec le souci de se fondre dans le style traditionnel de l’Ile-de-France. Les secteurs piétonniers s’étendent et apportent une vie nouvelle au vieux cœur de la cité, désormais débarrassé des hallettes en béton de l’après guerre.
Vers le sud, l’architecture contemporaine s’est donné libre cours, et comporte quelques morceaux de bravoure, le centre de recherches de Royallieu et le bâtiment métallique du centre de transfert de l’université ; l’un et l’autre seront bientôt rejoints par une nouvelle église, qui s’inscrira comme un signal dans le ciel de Compiègne grâce au dessin très accusé d’Olivier Debré ; et ce n’est pas par hasard que Compiègne a été choisie pour l’implantation d’une école nationale d’architecture dont la création est une sorte de reconnaissance du modèle urbain réalisé ici au cours des trente dernières années.
A la fin du siècle, de nouvelles transformations majeures se seront encore opérées : un quartier verra le jour à l’emplacement de la triste brique des bâtiments de l’hôpital général, à proximité du vieux centre et en respectant les bâtiments du XVIIe siècle qui seront réhabilités et réutilisés ; les 22 hectares, totalement enclavés dans la ville, de la caserne de Royallieu s’ouvriront à la verdure pour déboucher sur le parc de l’abbaye ; on pourra y habiter, y travailler, y flâner et y méditer sur le passé…
Philippe Marini
MUSÉE DE LA VOITURE ET DU TOURISME
Créé en 1927, grâce au Touring-Club de France, il est installé au château, dans la cour des cuisines, ainsi que dans les cuisines et leurs dépendances. Une collection de berlines et de pataches voisine avec le wagon-salon de Napoléon III, l’omnibus parisien Madeleine-Bastille et divers prototypes à moteur. Parmi les automobiles anciennes, on trouve des De Dion-Bouton, des Panhard et Levassor, mais c’est la Jamais-Contente, voiture électrique de 1899, qui semble avoir la vedette.
MUSÉE VIVENEL
Le domaine légué par le comte de Songeons est situé à l’emplacement de l’ancien couvent des Jacobins, établi par Saint Louis sur un terrain dépendant de son château ; il en reste notamment les arcades du cloître et deux gisants. A l’instar de l’hôtel Keller, succédant aux Cordeliers, c’est vers 1800 que fut construit l’élégant édifice qui remplaça l’église où l’on avait projeté de réunir les États généraux de 1789. La plus grande partie des collections données par Antoine Vivenel, sous Louis-Philippe, y ont été transportées en 1952. Ce musée peut s’enorgueillir d’une série exceptionnelle de vases de l’antiquité grecque et d’un fonds d’archéologie régionale renouvelé par des trouvailles récentes.
NOTRE DAME DE BON SECOURS
La chapelle actuelle fut consacrée en 1654. Elle est née d’un double vœu, celui d’un père capucin lorsque Compiègne fut menacée d’invasion, en 1636 ; et celui des attournés de la ville en proie à la peste, en 1637. Cet oratoire fut sauvé de la Révolution grâce à la piété privée. On y vénère l’image miraculeuse de la Vierge allaitant l’Enfant. Ce culte est lié aux grands événements de la cité, et la municipalité renouvelait encore son vœu lors de la Libération, en 1944.
PARC DU CHÂTEAU
Le château est érigé sur le socle du rempart, face à la forêt. Gabriel avait conçu un jardin « à la française » que la Révolution détruisit. A la place du Grand Degré, Napoléon fit aménager une pente douce menant au centre de la terrasse. Il fit également installer le berceau de Marie-Louise, et entreprit le tracé de la perspective des Beaux-Monts. L’architecte Berthault reconstitua des jardins « à l’anglaise » et ne garda que deux allées de tilleuls en quinconce menant à des pavillons. Diverses essences exotiques furent introduites par le botaniste Lelieur. Une trentaine de statues ornent le Petit Parc, dont plusieurs « à l’antique » ; les deux Mnémosyne et les deux lions proviennent des Tuileries, incendiées en 1871 par la Commune ; les deux sphinx, du Louvre ; la charmante Chloé est l’œuvre de Marquet de Vasselot. Deux vases Médicis surmontent la terrasse de la Reine. Le Grand Parc fait transition vers la forêt, on y trouve la maison forestière de la Croix du Saint-Signe (le Saint Suaire), et divers terrains de sport, notamment équestres.
PIERREFONDS
En 1392, Charles VI avait donné à son frère, LOUIS d’Orléans, le comté de Valois, dont la châtellenie de Pierrefonds faisait partie depuis 1351. Louis d’Orléans avant son assassinat en 1407, avait construit un château qui faisait partie d’un réseau de défense politico-militaire destiné à gêner les communications de son cousin et rival, le duc de Bourgogne. Cette forteresse, après bien des traverses, fut démantelée en 1617. C’est à la demande de Napoléon III et d’Eugénie que Viollet-le-Duc recréa un château, de conception fort savante, sur le modèle du château originel. Complètement vidé après la chute de l’Empire, on y organise aujourd’hui diverses expositions. La collégiale Saint-Sulpice, dont la crypte est datée du XIe siècle, est surmontée d’un lanternon du XVIe.
PONT LOUIS XV
Remplaçant le vieux pont Saint-Louis, situé en aval, un pont neuf fut inauguré par Louis XV en 1733 ; il comportait trois arches et était orné des armes de France, sculptées par Coustou le jeune. Élargi en 1901, ce pont fut détruit en août 1914. Reconstruit avec deux arches seulement, il fut à nouveau détruit en juin 1940. De 1941 à 1944, plus de 48 000 déportés, allant de Royallieu à la gare, franchirent l’Oise sur la passerelle voisine. C’est sur le modèle du temps de Louis XV que Jean Philippot conçut le décor du pont actuel. Une croix sur un obélisque, marque la limite entre les anciens diocèses de Soissons et de Beauvais. Quatre pavillons, aux frontons sculptés par Muguet, l’encadrent.
REMPARTS
Succédant aux murailles carolingiennes, les remparts visibles actuellement remontent au XIIe siècle, mais ont été remaniés jusqu’au XVIIe. les deux portes principales menaient aux pôles économiques de Compiègne : celle du pont à la rivière, et celle de Pierrefonds à la forêt. Venaient ensuite les portes de Paris et la porte-Chapelle. Cette dernière seule subsiste, décorée, du côté de la ville, par Philibert Delorme. La frontière du royaume s’étant heureusement éloignée depuis Louis XIV, les remparts furent déclassés sous Louis XV. Trois larges ouvertures y furent percées : devant le Pont-Neuf, entre la rue des Domeliers et la rue de Paris (porte de la Reine), et à l’entrée des avenues partant de la place d’Armes (porte Royale). Sauf aux abords de l’Oise, la plus grande partie des remparts subsiste, parfois dans des jardins privés.
RIVIÈRE
L’Oise anciennement Isara, servit longtemps de frontière entre les peuples gaulois des Suessions et des Bellovaques, auxquels succédèrent des cités gallo-romaines, puis les deux diocèses de Soissons et Beauvais. Le premier site de Compiègne devrait être à proximité du gué de Venette, ensuite remplacé par un pont situé plus en amont. Le commerce du vin a contribué à la fortune de la ville du XIIe au XVIe siècle. Toute une population de mariniers, charpentiers, cordiers, pêcheurs, vivait de la rivière. Proche des terrains de sports nautiques, le port de plaisance a succédé au grand canal aux glaces. L’Oise, en aval de Compiègne, est canalisée depuis 1831, et ses écluses sont au gabarit européen.
ROYALLIEU, L’ABBAYE ET LE PARC DE BAYSER
La reine Adélaïde, veuve de LOUIS VI, fit sa résidence de cet ancien rendez-vous de chasse. Nos rois y résidèrent à partir de Saint Louis et surtout de Philippe le Bel, ce dernier y fonda un prieuré de clercs augustins, doté d’un fragment de la Vraie Croix et dédié à son saint aïeul. Trop menacé pendant la guerre de Cent Ans, le château fut abandonné. En 1634, les chanoines augustins laissèrent place aux bénédictines de Saint-Jean-aux-Bois. Il ne subsiste plus guère, témoins du XVIIe siècle, que le pavillon d’entrée, le logis abbatial, le colombier, et divers bâtiments de la ferme. La couturière Coco Chanel y fut accueillie par le propriétaire des lieux, juste avant 1914.
ROYALLIEU, LE CAMP
Établis en 1913, sur un terrain de vingt-deux hectares, les baraquements militaires servirent, de 1941 à 1944, à la détention par les Allemands de 53.000 personnes arrêtées pour motif divers, dont 49.000 environ partirent en déportation vers les camps de concentration. Le terrain militaire sera désaffecté, mais on maintiendra ici un mémorial national de la Déportation, constitué par deux baraquements, une chapelle construite ultérieurement, et un monument commémoratif, sculpté par Georges Muguet.
RUE DES LOMBARDS ET SAINT-MARTIN
Un secteur piétonnier fut créé en 1982, sur les vestiges du Compiègne médiéval ayant échappé aux bombardements de 1918 et 1940. Ces rues sont assez tortueuses, et plusieurs façades y ont retrouvé leurs pans de bois. Rue des Lombards, au numéro 2, un passage menant rue des Cordeliers présente des éléments décoratifs datés du XVe au XVIIIe siècle ; au numéro 10, la vieille Cassine, maison mi-XVe, mi-XVIIe, servit de demeure aux Maîtres du pont, dirigeant les pilotes ou Compagnons de la rivière, avant que l’Oise ne fût canalisée.
SAINT-ANTOINE
La paroisse fut créée en 1199. La construction de l’église s’est poursuivie du XVe au XVIe siècle, s’achevant avec la façade et un remarquable chevet. Le décor intérieur a disparu pendant la Révolution, mais diverses peintures, sculptures et pierres tombales proviennent d’autres monuments détruits. Ce fut la paroisse de Pierre d’Ailly (1351 – 1420) qui contribua à réunifier l’Église du Grand Schisme et dont l’Imago Mundi inspira Christophe Colomb. Jeanne d’Arc vint y prier, lors de son premier séjour, en août 1429. L’abbé Hersan (1649 – 1724), fondateur de plusieurs écoles gratuites, y est inhumé. Les carmélites martyres, chassées de leur couvent le 14 septembre 1792, purent s’y rassembler quelque temps pour l’office, non loin de leurs refuges.
SAINT-CORNEILLE
L’empereur Charles le Chauve consacra, le 5 mai 877, la collégiale Sainte-Marie, attenante au palais qui resta jusqu’aux Capétiens le plus important du royaume de francs, futur royaume de France. Brûlée par les Normands, elle fut reconstruite par Charles le Simple et prit le nom du pape saint Corneille avant de devenir une abbaye bénédictine, en 1150. Quatre rois y furent sacrés, trois rois et un dauphin y furent inhumés. Ses insignes reliques, dont le Saint Suaire, attiraient les pèlerins. Ce fut un centre intellectuel important. Désaffectée en 1790, elle fut en grande partie détruite. L’église fit place à l’actuelle rue Saint-Corneille. Il ne subsiste que le cloître (XIV » siècle) et la base du clocher Sud (XIIe siècle).
SAINT-CORNEILLE-AUX- BOIS
Cette chapelle, fondée en 1164, dépendait de l’abbaye Saint-Corneille. François 1er y aménagea une vénerie, et la capitainerie de chasse, auparavant située à La Muette, s’y installa en 1748. La chapelle, de la fin du XIIe siècle, a une charpente du XVIe, ornée des armes du cardinal Louis de Bourbon, alors abbé de Saint-Corneille. En face a été planté l’un des faux de Verzy, hêtre aux formes contournées provenant de la montagne de Reims.
SAINT-GERMAIN
C’est la plus ancienne paroisse de Compiègne, datant sans doute du VIe siècle, alors que Compiègne n’était encore qu’un compendium ou raccourci sur un gué de l’Oise. L’église, détruite lors du siège de 1430, ne fut reconstruite que très lentement. Le clocher-porche est du début du XVIIe siècle et le chœur du XIXe. Saccagée par la Révolution, elle a hérité de quatre colonnes torses provenant de Saint-Pierre des Minimes et de plusieurs plaques tombales de l’abbaye de Royallieu. Son ancien cimetière lui donne un charme rustique.
SAINT-JACQUES
La paroisse fut créée en 1199. La Cour le Maïeur, premier lieu de la commune, fut remplacée par le cimetière, abandonné en 1786, et ensuite par l’actuelle place, au milieu du XIXe.
La construction de l’église s’échelonna du milieu du XIIIe siècle au XVIe siècle. Seul le lanternon du clocher est du XVIIe. Paroisse royale, elle fut comblée de faveurs. La Révolution la transforma en temple de la Raison, et son décor intérieur, dû à Louis XV, fut ainsi relativement préservé. En partie revêtue de bois et de marbre, elle renferme une importante collection de peintures et de sculptures, surtout des XVIIe et XVIIIe siècles. Un trésor de reliques, qui fit jadis la fortune de Compiègne, y est conservé. Jeanne d’Arc y vint prier, peu avant sa capture.
SAINT-JEAN-AUX-BOIS ET SAINT-NICOLAS DE COURSON
En 1152, la reine Adélaïde y installa des bénédictines qui s’emparèrent des reliques de sainte Euphrosine. En 1634, elles laissèrent place aux clercs augustins de Royallieu, qui, victimes des troubles de la Fronde, dépérirent.
Le centre du village est encore constitué par l’abbatiale. La porte fortifiée de l’enceinte subsiste, ainsi que celle de la Basse-Cour. L’église, construite au début du XIIIe siècle, est d’aspect austère, mais l’intérieur est harmonieux, avec les vitraux du chœur à chevet plat et les deux piles cylindriques de la croisée du transept. La salle capitulaire voisine est de la fin du XIIe siècle. Non loin, le vallon de Saint-Nicolas de Courson abrite les restes d’un prieuré, avec une nef également de la fin du XIIe siècle, mais un perron d’entrée de la fin du XVIIe.
SAINT-PIERRE DES MINIMES
D’abord oratoire rural de la « couture », cédé par Charles le Chauve à la future abbaye Saint-Corneille, l’édifice devint un prieuré en dépendant. Au début du XVIIe siècle, les minimes s’y installèrent et construisirent les bâtiments claustraux voisins, l’actuelle école Pierre-Sauvage. Des neuf églises abbatiales et collégiales que Compiègne possédait avant la Révolution, elle seule subsiste. Bien que ruinée et démembrée, elle a pu être récemment réhabilitée. L’église date du XIIe siècle, à part quelques restaurations du Second Empire, mais a perdu son clocher et presque toute sa partie Sud. Quelques motifs sculptés subsistent au portail. Une pieuse servante, Barbe Frémault, ayant inspiré les mystiques du XVIIe siècle, y fut inhumée en 1636.
SAINT-PIERRE EN CHASTRES
Ce mont de 137 mètres apparaît isolé au milieu de la forêt ; son appellation confirme l’existence d’un site fortifié très ancien (du latin castrum). Un prieuré de célestins y fut établi en 1308. On y voit les ruines de l’église, en grande partie de la fin du XIV” siècle, et un portique de style Renaissance, décoré de gracieuses têtes de chérubins. Un grand pavillon carré, daté de 1664, servait de logis au prieur et d’hôtellerie ; une maison forestière y est attenante.
SAINTE-PÉRINE
Les nonnains de Compiègne, communauté de chanoinesses augustines dites de Saint-Jean-hors-les-Murs, reçurent cet ermitage en 1285, comme résidence estivale et éventuel refuge ; elles le vendirent en 1640. Calabre, capitaine-forestier, y creusa l’étang en 1813. La chapelle semble contemporaine de l’abbatiale voisine de Saint-Jean, elle est prolongée par des bâtiments du XVIIIe siècle.
THÉÂTRE IMPERIAL
Construit par Ancelet à la demande de Napoléon III, il devait être inauguré en 1871 mais ne le sera que cent vingt ans plus tard. Situé sur l’emplacement de l’ancien Carmel des seize martyres bienheureuses, ce théâtre est relié au château par un pont-escalier qui franchit la rue d’Ulm. L’architecte s’inspira naturellement de l’Opéra de Versailles, œuvre de Gabriel, en utilisant les moyens techniques de son temps. Le décor de la salle est resté très dépouillé mais l’acoustique est remarquable. Le Théâtre français de la Musique y présente un répertoire d’œuvres françaises souvent méconnues. Deux opéras au moins y sont présentés chaque année, ainsi que diverses autres œuvres musicales. Au cours de la saison, de septembre à mai, alternent ensembles orchestraux, formations de musique de chambre, solistes et ballets.
UNIVERSITÉ DE TECHNOLOGIE DE COMPIÈGNE (U.T.C)
Ouverte en 1973, son prestige est rapidement devenu international. L’enseignement y est lié à la recherche de haut niveau et aux besoins des entreprises industrielles. Plus de trois mille étudiants y reçoivent une formation scientifique très spécialisée, mais avec une large place donnée à la culture générale (un cinquième du temps d’étude). Les divers bâtiments de l’université sont dans la ville même. Son action est prolongée par un centre de transfert « Université-Industrie » et par le parc scientifique O.D.I.S. (Oise Développement et Innovation Scientifique). Le prix Roberval, prix francophone du livre et de la communication en technologie, y est décerné chaque année.
VÉNERIE
Compiègne fut une sorte de capitale cynégétique pour nos souverains, et ce depuis les Mérovingiens. La forêt ne fut cependant percée de nombreuses laies qu’à partir de François Ier qui en marqua le centre avec le Puits du Roi, et surtout sous Louis XIV et Louis XV. Depuis 1750, la Capitainerie des chasses annexait la Maîtrise des Eaux et Forêts. Sous la Restauration, et surtout sous le Second Empire, la Vénerie retrouva son éclat. Vers la Toussaint, commençaient les « grandes séries », de quatre à cinq semaines, avec une chasse à courre tous les cinquièmes jours. Le colonel Ney y exerçait la charge de grand veneur, et le baron Lambert celle de maître d’équipage. La tradition s’est maintenue, et l’on découple toujours sur la voie du cerf, du chevreuil et du sanglier. Les deux principaux équipages sont La Futaie des Amis, pour le cerf (maître d’équipage : Monique de Rothschild), et Pic’ardie Valois, pour le chevreuil (maître d’équipage : Pierre Bocquillon).