Poème de Jean de La Fontaine

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Forêt de Compiègne


Le cochet, le chat et le souriceau

- Barre titre

Un Souriceau tout jeune, et qui n’avait rien vu,

Fut presque pris au dépourvu.

Voici comme il conta l’aventure à sa mère :

J’avais franchi les Monts qui bornent cet Etat,

Et trot­tais comme un jeune Rat

Qui cherche à se donner carrière,

Lorsque deux animaux m’ont arrêté les yeux :

L’un doux, bénin et gracieux,

Et l’autre turbu­lent, et plein d’inquiétude.

Il a la voix perçante et rude,

Sur la tête un morceau de chair,

Une sorte de bras dont il s’élève en l’air

Comme pour prendre sa volée,

La queue en panache étalée.

Or c’était un Cochet dont notre Souriceau

Fit à sa mère le tableau,

Comme d’un animal venu de l’Amérique.

Il se battait, dit-il, les flancs avec ses bras,

Faisant tel bruit et tel fracas,

Que moi, qui grâce aux Dieux, de courage me pique,

En ai pris la fuite de peur,

Le maudis­sant de très bon cœur.

Sans lui j’aurais fait connaissance

Avec cet animal qui m’a semblé si doux.

Il est velouté comme nous,

Marqueté, longue queue, une humble contenance ;

Un modeste regard, et pour­tant l’oeil luisant :

Je le crois fort sympathisant

Avec Messieurs les Rats ; car il a des oreilles

En figure aux nôtres pareilles.

Je l’allais aborder, quand d’un son plein d’éclat

L’autre m’a fait prendre la fuite.

– Mon fils, dit la Souris, ce doucet est un Chat,Le souriceau

Qui sous son minois hypocrite

Contre toute ta parenté

D’un malin vouloir est porté.

L’autre animal tout au contraire

Bien éloigné de nous mal faire,

Servira quelque jour peut-être à nos repas.

Quant au Chat, c’est sur nous qu’il fonde sa cuisine.

Garde-toi, tant que tu vivras,

De juger des gens sur la mine.


Jean de LA FONTAINE

- Barre fin

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